Alors vous voulez une histoire de la dernière guerre ?Oui, c'est ça !Quand on était occupés.Oui.Euh, on écoutait le poste (de radio) et qu'on on entendait "Ici Londres" on écoutait.Qui ne se rappelle que pendant la guerre,quand on entendait avec impatience après huit heures du soir,pour attendre le communiqué.Et il fallait voir les têtes s'approcher du poste quand le signal se faisait entendre.Toc toc toc toc.Les nouvelles d'abord, puis les messages, le moucheron qui disait bonjour à l'éléphant ;il y en avait des drôles !Oui.Et Louis le Tatoué qui se rappelait au bon souvenir de sa famille...et d'autres et d'autres.Enfin pour revenir à ça [mon histoire]il fallait quand même faire attention pour ne pas se faire prendre en train d'écouter.Oui.Il y avait alors deux compagnons, des inséparables.Pierre et Félix, deux déourdis. Je n'ai su qu'aprèsqu'ils avaient travaillé pour la résistance.Ah Oui.Leur jeu était bien combiné. Bien.une belle fois, Félix qui était souvent en train de circuleret qui dressait toujours l'oreille,ce n'était pas un grand parleur mais les oreilles il les avait bien développées.Il savait s'en servir.Alors pour continuer mon récit,un belle fois en se promenant,il entend deux hommes qui étaient en grande discussion.Ils ne faisaient pas beaucoup attention à lui.Il faisait semblant de regarder les étalages.Voici à peu près ce qu'il a entendu :Tu sais, disais l'un, pour écouter Londres on doit faire attention,J'ai su qu'il y en a quelques uns qui ont été pris, à Roubaix.Tu comprends ? Leurs postes allaient trop fort.Et c'est à peu près comme en quatorze :"Les oreilles ennemies vous écoutent".Oui, répond l'autre, je le sais, ce n'est pas le moment de se faire prendre.Enfin, Félix répète ça à Pierre et dit : "Tu sais, ton poste a l'habitude d'aller assez fort,je l'ai déjà remarqué. Tourne le bouton tout doucement maintenant que tu le sais.c'est un bon conseil, parce que ces chameaux-là écoutent derrière les volets.- Ah oui ! Bien entendu Pierre rentre à la maison, il le dit tout de suite à sa femmeet bien sûr répète son conseil. Le soir comme d'habitude il prend le poste anglais,et pour être plus rassuré, il dit à Malvina - c'est sa femme- laisse aller le poste comme celaje vais aller écouter, pour savoir s'il ne va pas trop fort.Le temps d'aller écouter. Il s'en va tout de suiteet voilà Pierre qui s'en va écouter derrière les volets.Il fait noir.Il met son oreille contre le volet et il écoute.Tout d'un coup, il ne s'y attendait pas je vous assure, il reçoit dans les - oui enfin-enfin par derrière, une secousse - si on peut appeler ça une secousse-et le voilà avec le nez en plein sur les planches à moitié assomé.Il se retourne tout juste et voit un homme qui s'enfuyait.Il est rentré en vitesse pour dire à sa femme: "Ferme le poste bien vite, il y a des individus [oiseaux] bizarres dans la rue- Drôles d'oiseaux ! -Le lendemain matin il reçoit la visite de Félix qui dit :"Qu'est-ce que je t'avais dit,tu as vu que c'était vrai !Hier soir en passant qu'est-ce que je vois derrière tes fenêtres (=chassis) :un bonhomme qui écoutait !Qu'est-ce que j'ai fait, crois-tu ? Tu ne réponds pas ?Eh bien j'ai pris mon élan et de toutes mes forces, pardaf !je lui ai foutu mon pied quelque part et j'ai foutu le camp.Mais lui il s'est donné un coup sur le volet, je ne te dis que ça !Et je pense bien qu'il n'est pas près de recommencer.Ai-je bien fait ?Qu'en dis-tu ?" -Alors. - Pierre hésite un moment puisil a dit : "oui tu as bien fait !Bien sûr, celui-là ne va plus écouter derrière les volets !"Et en disant ça, il se passe la main sur la fesses droite.C'est celle-là qui avait ressenti la secousse.