deččˡəǧməqq˚e-pšˡəpəyre aytekˡqq˚e kˡˀemg˚əypšˡLe récit que je vais raconter maintenant est (l’histoire de) Detchiyimko Pchipii et du prince Kemirgoy Aytekko.— Notre village comprend environ 200 familles chapsough.Nos grand-pères nous racontaient de beaux récits.Beaucoup de grands événements leur sont arrivés, mais nous étions jeunes nous n’étions pas à même de le retenir, de le savoir.Il n’y a que toi qui demeures au village, plus âgé que nous, plus respectable que nous, qui saches des histoires de ce genre.Raconte-nous une histoire et laisse-nous l’écouter ! Qu’elle parle des grands exploits qui se sont déroulés au Caucase !— Voici ce que nous avons entendu raconter des événements qui se sont passés au Caucase, du temps où les Russes y étaient, eux aussi :Le Ryrsyzyko, le manchot Hatouroujouko, Koupchi-Koupchi étaient trois hommes vaillants, des hommes de bien.Un beau jour, ils partirent pour enlever les juments du roi Russe.C’étaient quelques milliers de chevaux.Leur route devait passer près du village de Detchiyimko Pchipii et, arrivés là, ils y envoyèrent deux cavaliers.Arrivés au village, les deux cavaliers rencontrèrent Detchiyimko Pchipii, qui était en train de sortir du maïs sec (du four), car sa femme était malade.Detchiyimko Pchipii n’était qu’un noble abzakh, il n’était pas prince, mais c’était un homme vaillant que les habitants du pays respectaient.Lorsque ceux qui vinrent le chercher le rencontrèrent, ils ne savaient pas qu’il était celui pour qui ils étaient venus.Et, lorsqu’ils se mirent à regarder cet homme sans lui accorder de l’importance, il leur dit : « Entrez ! »Et quand ceux-ci lui eurent répondu : « Nous entrons, mais nous cherchons Detchiyimko », il leur dit : « Vous le trouverez aussi », et il les fit entrer et les fit manger un peu.Quant à lui, après avoir retiré le maïs du four, il se mit sur un vieux cheval blanc qu’il avait etayant posé sur sa pipe une bûchette de braise et enfoncé sa pipe entre les dents, il dit :« Allons-y ! Detchiyimko viendra aussi ! » Et ils partirent pour rejoindre les cent cavaliers.Le maïs dont nous avons parlé tout à l’heure est le nom du maïs que les Tcherkesses mettent dans le four pour le faire sécher avant d’en faire du grueaux.Les trois cavaliers revenaient, l’un d’eux se mettant à la place du chef, l’autre, à la place de l’adjoint du chef, le dernier, à la place du subalterne : tels les aperçut le prince.Lorsqu’ils ont rangé les chevaux côte à côte, ignorants qu’ils étaient de leur qualité de subordonnés, ils ne le prirent pas en considération, et n’attribuèrent point au vieillard la place de chef qui lui revenait. Voyant ceci, le prince dit :« Que Dieu les punisse, ils ont fait un subordonné de celui que nous attendons depuis une nuit et une journée et ils arrivent ainsi ! »et il alla à la rencontre du vieil homme, l’enleva du cheval dans ses bras, l’apporta et le fit asseoir sur une pèlerine étendue.Un garçon d’entre les compagnons du prince dit alors : « Si c’est ce vieil homme-là qu’il nous a fait attendre pendant un jour et une nuit, ce qu’il fera, j’aurais pu le faire aussi ! »Le vieil homme entendit ce qu’avait dit le garçon,mais il fit semblant de ne pas l’avoir entendu, et, s’étant tous mis à cheval, ils se mirent en route vers leur destination.Ils y arrivèrent et se mirent à enlever les juments.Pour que leurs compagnons ne restent pas à pied au cas où les Russes tueraient leurs chevaux pendant la bataille, ils avaient amené beaucoup de chevaux de réserve.Le vieil homme menant les chevaux devant, les Russes et les Cosaques les rattrapèrent et commencèrent à leur livrer bataille.Le prince kémirgoy Aytekko était parmi ceux qui se battaient à l’arrière.Lorsque beaucoup de chevaux furent tués dans la bataille, il envoya au-devant des chevaux deux garçons en leur recommandant : « Qu’il vous donne des chevaux que vous amènerez ». Lorsqu’il les eut ainsi envoyés,le vieil homme leur demanda : « Ceux qui vous pourchassent, sont-ils à pied, mon garçon ? »« Ils ne sont pas à pied. Ce sont des cavaliers Cosaques » lui répondirent-ils.« Va ! Va ! Allez ailleurs ! » dit-il et ne leur donna point de chevaux.Le prince, alarmé, les envoya de nouveau.Et, lorsqu’il leur eut dit : « Ceux qui vous pourchassent, sont-ils des cavaliers ? sont-ils à pied ? » et qu’ils lui eurent répondu : «Ce sont des Cosaques, des cavaliers », il leur dit : « Va ! Va ! Allez-vous-en ! » et il les leur refusa derechef.Là, le sang du prince n’a fait qu’un tour, il cingla son cheval et alla devant.« Detchiyimko ! Que la tête de ce cheval entre dans ce qu’a ta mère ! » l’injuria-t-il.« Pourquoi n’en donnes-tu pas ? ! ». - « Ils ont dit que ceux qui vous poursuivaient étaient des Cosaques, des cavaliers ; alors, je ne leur ai pas dit autre chose que "Si vous voulez des chevaux, pourquoi vous n’en prenez pas aux Cosaques qui vous poursuivent ?" Voilà, je ne leur ai dit que cela.Si vous vous alarmez à ce point, va ! mets-toi ici, avec les garçons ! » dit-il et,l’ayant laissé parmi ceux qui tenaient les chevaux, il fit demi-tour, tira son épée et, s’étant jeté dans la cohue,qu’ils aient été nombreux ou non, ils les rattrapa, et il les tua pêle-mêle.En leur donnant au fur et à mesure les chevaux de ceux qu’il tuaient, il réinstalla tous ses compagnons restés à pied sur des chevaux.Ensuite, il se mit à poursuivre le seul survivant resté à cheval, le fit tomber de cheval,il lui trancha la tête avec l’épée, et, la piquant sur l’épée, il l’apporta à leur prince.Le vieil homme lui dit alors : « Aytekko ! tu as dit "Que la tête de cheval… de ta mère" et tu m’as injurié.Porte donc ça à ta mère ! » et il lança la tête du mécréant au prince.Ils enlevèrent donc les cheveux et revinrent.Ils revinrent et, lorsqu’ils arrivèrent à l’endroit où ils allaient se séparer, ils s’y arrêtèrent et partagèrent les chevaux.La part du vieil homme s’élevait à treize chevaux.Detchiyimko fouilla de son regard ses compagnons.Il trouva le garçon qui avait dit « Ce que fera ce vieil homme, je le ferai aussi ; pourquoi nous a-t-il fait attendre tout un jour et une nuit ? »et lui dit « Viens ici, mon garçon ! - Qu’il ne dise pas qu’il s’est fâché ! » et, ayant choisi parmi les autres un jeune cheval,il donna tous les autre chevaux à ce garçon, en disant « Mon vieux cheval blanc me suffira ».Ayant donné tous les autres chevaux, Detchiyimko sortit de leurs rangs et s’en alla.« Si Detchiyimko devient notre ennemi, il nous empêchera de retourner de côté des Russes » dit Aytekko,s’il existe une possibilité, il vaut mieux que vous nous réconciliez ».Les autres dirent : « Est-il possible qu’il n’y ait personne, parmi cent cavaliers, qui puisse lui parler ? » etils prirent Detchiyimko, lui firent faire demi-tour, réconcilièrent le prince et Detchiyimko, et Detchiyimko rentra chez lui.Les autres rentrèrent aussi chez eux et ainsi achevèrent-ils cette campagne de chasse aux juments.Et moi aussi, j’ai terminé là mon récit.Que Dieu vous fasse vivre de m’avoir écouté ! » (Merci de m’avoir écouté !).